L\'Avenir des Fermes Pilotes en Algérie

JE PLEURE MA JEUNESSE

Je suis une vieille ferme pilote d’une belle plaine de notre Algérie profonde

Je suis née en octobre 1982, nous étions à l’époque que quelques fermes pilotes en Algérie

Nous avions accouché grâce à un grand ministre dynamique, Monsieur Salim Saâdi

Quant à mes petites sœurs, elles sont nées plus tard en 1988

Elles, elles ont accouché grâce à un autre grand ministre, Monsieur Kasdi Merbah

Nous étions les meilleures exploitations du pays, les fleurons de l’agriculture algérienne

Nous avions connu la crème de l’encadrement

Les directeurs qui nous dirigeaient étaient des références

Nous avions connu les portes ouvertes et d’innombrables journées de vulgarisations

Mais quelques années après, une stratégie bien réfléchie fut mise en place

Ils décidèrent de nous casser, une stratégie réfléchie, 

pour un long terme et qui a apporté ses fruits

Le mot d’ordre était « laissez les mourir à petit feu »

Nous sommes devenues alors les grandes oubliées de l’agriculture

Il fallait fonctionner en autofinancement comme un petit épicier de quartier

Les banques ne nous reconnaissaient pas, « des EPIC, c’est quoi ce statut ? »

Des entités de l’Etat non reconnues par des banques de l’Etat

Notre encadrement se volatilisa et la valse des directeurs commença

En 1999, la stratégie initiale, doucement mais surement, arrivait

en milieu de parcours

Devenues majeures, ils décidèrent de nous marier

Les plus belles parmi nous ont convolé de force

Elles sont devenues des industrielles avec un statut d’EURL

Devenues entreprises, leurs directeurs passèrent au statut de gérants

Elles étaient dirigées par un mot anglais « Holding » qui résidait  à la capitale

Naïves, elles pensaient avoir gagner le gros lot

Les banques reviennent alors à la charge « EURL c’est privé, y a pas de garanties pour un crédit»

Divisées en deux catégories pour bien régner, les EURL et les fermes s’effritaient

Les unes dépendaient de la wilaya et les autres de la capitale

Pour encore bien régner, nos sœurs EURL sont départagées en deux groupes, l’ONCV et le GDSP

Un tsunami passe par les holding, la tutelle devient SGDA

En 2000, l’effacement des dettes pour l’agriculture arrive « une bonne nouvelle après plusieurs années de sécheresse »

Déception, les exploitations appartenant à l’Etat n’étaient pas concernées

Quand aux EURL, elles ont espéré un petit jet de l’assainissement des entreprises

Désolation, le ministère de l’industrie ignora nos sœurs  EURL  

Consolation, les EURL reçoivent un assainissement de leurs groupes

Stupéfaction, ils payent les dettes  mais les groupes deviennent créanciers

Les programmes irréfléchis démarrent

L’ONCV lance la plantation du vignoble tous azimuts chez nos soeurs

Le GDSP lance les pépinières de plants sans grande stratégie chez les demi-sœurs forcées

Les années passent et les catastrophes se comptent

Quant à nous, EPIC fermes agricoles, nous étions délaissées et au bon vouloir des DSA

Par manque de crédits bancaires, nous étions obligées de jouer les filles de joie

Les grands agriculteurs privés nous payaient et nous leurs offrions une partie de notre chaire pour une saison

Le plaisir s’éclipsa au fur et à mesure des années et nos souteneurs trouvaient leur compte

Nos directeurs et nos DSA nous offraient aux nouveaux gros propriétaires fonciers (GPF)

Des GPF qu’ils ont combattu par le passé du temps de notre socialisme spécifique

Entretemps, la stratégie initiale arriva à son terme, finie la récréation

Nous rejoignons nos soeurs EURL au SGDA pour passer toutes au partenariat avec des privés

Et tout devient facile. Même l’assainissement par le trésor est vite enclenché. 

Ils préparent mon mariage au partenariat, un acte contre nature. 

Fayçal

NDLR: Nous venons d'insérer ce soir la dernière phrase de l'article ci-dessus. Selon le souhait de l'auteur, la phrase concernée ne devait apparaître que si l'article est au niveau des pages de l'intérieur. L'article est passé ce soir de la page d'accueil à la rubrique des articles. Dont acte.